Lettre d’information – Mars 2017

GROS PLAN SUR : Le coup d’accordéon ne peut être réalisé dans le but de frauder aux droits des minoritaires

Cass. com. 11 janvier 2017 n° 14-27.052

 

La Cour de cassation a retenu dans cet arrêt qu’une opération de coup d’accordéon doit être annulée dans le cas où, malgré l’apurement des dettes de la société, elle a pour unique objectif d’évincer des minoritaires.

Principes

Le recours au coup d’accordéon permet de garantir la poursuite de l’activité de la société, lorsque cette dernière a réalisé des pertes importantes. Il consiste, dans un premier temps, à réduire le capital social de la société à zéro : à cette occasion, l’ensemble des titres de la société sont annulés et les pertes sont apurées à hauteur du montant du capital social réduit. Dans un second temps, il est nécessaire de procéder à une augmentation de capital à l’occasion de laquelle les associés (identiques aux précédents et/ou de nouveaux associés) apportent des fonds à la société.

Dans cette opération, la réduction de capital à zéro peut conduire à l’exclusion d’associés existants, notamment si ces derniers n’ont pas la possibilité financière de participer à l’augmentation de capital qui suit, ou si les associés majoritaires décident de supprimer le droit préférentiel de souscription dont bénéficient les associés afin de les empêcher de souscrire.

Ainsi, pour être valide, la jurisprudence retient qu’il ne doit y avoir aucun abus de majorité de la part des associés majoritaires, ni fraude aux droits des minoritaires qui enfreindrait le principe d’égalité entre associés.

Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2017, les faits étaient les suivants :

Trois personnes morales étaient associées d’une société par actions simplifiée, dont l’une était associée majoritaire. Au mois d’août, le Président convoque une Assemblée Générale Extraordinaire afin de réaliser un coup d’accordéon justifié par le fait que les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social et que des investissements complémentaires étaient nécessaires. Cependant, lors de cette Assemblée Générale, a été décidée la suppression du droit préférentiel de souscription des associés minoritaires et l’associé majoritaire a souscrit l’intégralité des actions nouvelles créées lors de l’augmentation de capital. L’associé initialement majoritaire est donc devenu associé unique de la société à l’issue du coup d’accordéon.

La Cour de cassation a retenu plusieurs arguments pour considérer les délibérations de cette Assemblée Générale Extraordinaire comme nulle :

  • Les juges ont retenu que la société était, certes en difficulté, mais que sa survie n’était pas en jeu à la date de convocation de l’assemblée ;
  • La procédure à respecter lorsque les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié du capital social ne l’a pas été. La dernière assemblée générale ordinaire annuelle ayant approuvé les comptes ne mentionnait pas ce point. Par ailleurs, aucune assemblée n’a été tenue dans les quatre mois de l’approbation des comptes afin de statuer sur la dissolution ou non de la société ;
  • La date de l’Assemblée Générale Extraordinaire, fixée au mois d’août, et l’indisponibilité des associés pour être présents à celle-ci, ont permis aux juges de retenir la fraude aux droits des minoritaires ;
  • La souscription des actions nouvelles par l’associé majoritaire lors de l’augmentation de capital a été réalisée par compensation de créance. La Cour de cassation a donc pris en compte le fait qu’aucune trésorerie n’a été apportée à la société, pour rejeter l’argument relatif aux besoins de financement de la société ;
  • La suppression du droit préférentiel de souscription ne concerne que les associés minoritaires.

–> De manière générale, la Cour de cassation a conclu que l’objectif essentiel de l’opération était d’évincer les associés minoritaires de la société, sans qu’un quelconque élément puisse établir l’intérêt social de la société dans l’opération de coup d’accordéon.