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Actualité jurisprudentielle en droit des affaires

Devoir de loyauté du dirigeant qui rachète les titres d’un associé (cass.com. 10 juill. 2018
n°16-27.868, Sté Pléiade c/F
) :

Depuis le 1er octobre 2016, les articles 1112 et suivants du Code civil ont consacré l’application du principe de bonne foi dans les relations précontractuelles, notamment en instaurant une obligation d’information entre les négociants. Ceux-ci doivent à ce titre s’échanger toute « information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre ». Ce devoir d’information demeure toutefois (d’aucun diront « fort heureusement ») lacunaire, dans la mesure où l’article 1112-1 du Code civil précise qu’il « ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation » !

La jurisprudence a récemment rappelé que cette obligation de transparence va en revanche bien plus loin lorsqu’un dirigeant rachète les titres d’un associé. Tenu par un devoir général de loyauté, ce dernier est en effet dans l’obligation d’informer l’associé-cédant de l’existence d’éventuelles négociations parallèles en cours en vue de la revente des titres à un tiers, peu important l’état d’avancement de ces dernières.

Dans l’arrêt précité, un gérant-acquéreur a ainsi été condamné à payer des dommages-intérêts à un associé-cédant pour manquement à son devoir de loyauté, après lui avoir dissimulé que durant leurs négociations, ayant abouti à une cession des titres de l’associé à leur valeur nominale, le gérant menait parallèlement des négociations (non achevées au jour de la cession) avec un tiers, en vue du rachat de la société pour un prix par titre largement supérieur à la valeur nominale.

La jurisprudence, constante en la matière, précise que le dirigeant est lié par cette obligation d’information renforcée au titre de son devoir de loyauté à l’égard des associés, même dans l’hypothèse où il serait tenu par une clause de confidentialité envers le tiers repreneur (cass.com.
12 mars 2013 n°12-11.970).

Si ce genre de comportement est couramment sanctionné par une demande de dommages-intérêts, il convient de noter que le manquement du dirigeant à son obligation d’information à l’égard des associés-cédants peut également être assimilé à une réticence dolosive, permettant à ces derniers de demander l’annulation de la cession si elle a été déterminante de leur consentement (Article 1130 et suivants du Code civil).

Par-delà l’existence de négociations parallèles, la jurisprudence retient plus généralement que lorsqu’un dirigeant se porte acquéreur des titres des associés, ou qu’il intervient en qualité d’intermédiaire dans le cadre de leurs cessions, son obligation de loyauté à l’égard des cédants lui impose de révéler toute information de nature à influer sur leur consentement.

En amont de tout contentieux, nos équipes en droit des contrats et droit des sociétés préviennent généralement ces situations en négociant pour le cédant la stipulation d’un droit de suite, mécanisme d’ajustement du prix a posteriori s’il s’avérait que le rachat des titres de l’associé avait été réalisé par l’acquéreur à un prix que ce dernier savait être inférieur à leur juste valeur, en raison d’informations qu’il aurait délibérément omis de révéler à son co-contractant.